Les OGM en Europe

Historique

1. La mise sur le marché des produits alimentaires

La réglementation relative à la dissémination d’organismes transgéniques est fondée sur la directive européenne 90/220 CEE du 23 avril 1990. Cette directive horizontale avait pour objectif l’harmonisation des procédures d’évaluation et d’autorisation de dissémination des organismes transgéniques.

Après approbation par les instances de l’un des états membres – au terme d’une évaluation des risques potentiels pour l’homme et pour l’environnement – le dossier est transmis aux autorités compétentes des autres Etats. Ils ont 60 jours pour demander des expertises supplémentaires, au delà de ce délai, la Commission transmet, à l’état membre auprès duquel la requête a été formulée les précisions demandées.

L’Etat doit alors statuer sur l’autorisation de dissémination et/ou de commercialisation. Cette décision étant applicable dans tous les états membres de l’Union (cf. fig.3 -Schéma d’autorisation de Mise sur le Marché).


Schéma d’autorisation de mise sur le marché des OGM

En décembre 1996 et en janvier 1997, la Commission accorde l’Autorisation de Mise sur le Marché à deux produits issus de la transformation génétique : le soja " RoundUp Ready " et le maïs BT Novartis. Cette autorisation ne donne pas lieu à une obligation d’étiquetage spécifiant la présence d’OGM du fait de l’innocuité des aliments. La réglementation étant soumise aux textes généraux des aliments.

Cette autorisation de mise sur le marché a été mal perçue par certains états membres qui interdisent l’importation de maïs et de soja transgéniques, c’est le cas notamment du Luxembourg, de l‘Italie et de l’Autriche. Ces attitudes nationales risquant d’entraver la libre circulation des denrées alimentaires et de créer des conditions de concurrence déloyale affectant le marché intérieur, il était nécessaire d’adopter une politique commune en matière d’OGM et de prévoir un cadre communautaire pour l’étiquetage des nouveaux aliments et ingrédients. La Commission a donc adopté un règlement (novel foods) qui est la clef de voûte du règlement des OGM, bien que celui ci ne soit pas spécifique de ces aliments. L’importance de ce texte mérite que l’on explique certains articles pour mieux comprendre la situation actuelle. Le règlement (CE) n° 258-97 du 27 janvier 1997 relatif aux nouveaux aliments et aux nouveaux ingrédients alimentaires est une législation dite "sectorielle", qui a pour but de définir les modalités d'évaluation de la sécurité alimentaire des nouveaux aliments et de mettre en place une procédure d'autorisation communautaire et d'étiquetage de ces produits. Ce règlement, dit " nouveaux aliments " est entré en vigueur le 15 mai 1997.

En ce qui concerne l'étiquetage de certains produits issus du maïs et du soja transgéniques, ce règlement a été complété par les règlements (CE) :

  • n° 1813-97 du 19 septembre 1997 concernant l'étiquetage de certaines denrées alimentaires produites à partir d'organismes génétiquement modifiés, entré en vigueur le 1er novembre 1997
  • n° 1139-98 du 26 mai 1998.

Ces textes sont directement applicables en droit français, sans transposition législative.

Ainsi il conviendra donc d'examiner au cas par cas les avantages et les inconvénients potentiels pour statuer sur l'intérêt de chaque cas.

La réglementation " nouveaux aliments " pose le principe de l'étiquetage sans en régler les modalités.

  • Les aliments concernés par cette réglementation sont :
    • les aliments et ingrédients alimentaires contenant les organismes génétiquement modifiés ou consistant en de tels organismes ;
    • les aliments et ingrédients alimentaires produits à partir d’organismes génétiquement modifiés, mais n’en contenant pas ;
    • les aliments ou ingrédients alimentaires présentant une structure moléculaire primaire nouvelle ou délibérément modifiée ;
    • les aliments et ingrédients alimentaires composés de végétaux ou isolés à partir de ceux-ci et les ingrédients alimentaires isolés à partir d’animaux, à l’exception des aliments et des ingrédients alimentaires obtenus par des pratiques de multiplication ou de reproduction traditionnelles et dont les antécédents sont sûrs en ce qui concerne l’utilisation en temps que denrées alimentaires ;
    • les aliments et ingrédients alimentaires auxquels a été appliqué un procédé de production qui n’est pas couramment utilisé, lorsque ce procédé entraîne dans la composition ou dans la structure des aliments ou des ingrédients alimentaires des modifications significatives de leur valeur nutritive, de leur métabolisme ou de leur teneur en substances indésirables.
  • Les aliments nouveaux soumis à d’autres dispositions pour leurs mises sur le marché :
    • additifs et arômes alimentaires
    • arômes destinés à être utilisés dans les denrées alimentaires
    • solvants d’extraction utilisés pour la production de denrées alimentaires.
  • Les critères généraux de Mise sur le Marché : Les aliments ou ingrédients relevant du règlement des novel foods ne doivent pas :
    • présenter de danger pour le consommateur
    • induire le consommateur en erreur ;
    • différer les aliments et ingrédients alimentaires qu’ils sont destinés à remplacer à un point et que leur consommation normale impliquerait des inconvénients nutritionnels pour le consommateur.
  • L'article 8 du règlement " nouveaux aliments " fixe le principe d'une obligation d'étiquetage en vue d'informer le consommateur final

" Toute caractéristique ou propriété alimentaire, telle que :

  • la composition,
  • la valeur nutritive ou les effets nutritionnels,
  • l'usage auquel l'aliment est destiné,

en raison de laquelle un nouvel aliment ou ingrédient alimentaire n'est plus équivalent à un aliment ou ingrédient alimentaire existant.

a) Un nouvel aliment ou ingrédient alimentaire est réputé ne plus être équivalent au sens du présent article si une évaluation scientifique, fondée sur une analyse appropriée des données existantes, peut démontrer que les caractéristiques évaluées diffèrent de celles d'un aliment ou ingrédient alimentaire classique, compte tenu des limites admises des variations naturelles de ces caractéristiques.

Dans ce cas, l'étiquetage doit porter la mention de ces caractéristiques ou propriétés modifiées accompagnées de l'indication de la méthode selon laquelle cette caractéristique ou propriété a été obtenue ;

b) la présence dans le nouvel aliment ou ingrédient alimentaire de matières qui ne sont pas présentes dans une denrée alimentaire équivalente existante et qui peuvent avoir des incidences sur la santé de certaines catégories de la population ;

c) la présence dans le nouvel aliment ou ingrédient alimentaire de matières qui ne sont pas présentes dans la denrée alimentaire équivalente existante et qui suscitent une réserve d'ordre éthique ;

d) la présence d'un organisme génétiquement modifié selon des techniques de modification génétique dont la liste non exhaustive figure à l'annexe 1 A partie 1 de la directive 90/220/CEE.

Ajoutons que le règlement précité n° 1813-97 du 19 septembre 1997 étend cette obligation d'étiquetage aux aliments et ingrédients fabriqués à partir du soja et du maïs transgéniques, dont la mise en marché avait été autorisée par la Commission préalablement à l'entrée en vigueur du règlement " nouveaux aliments ", palliant ainsi les effets de la non-rétroactivité de ce règlement.

Cette obligation de principe de l'étiquetage, qui s'imposait depuis ce règlement, n'a pas pu, faute de précisions suffisantes quant à ses modalités d'application, entrer en application. Certaines questions demeuraient en effet sans réponse, alimentant ainsi la polémique.

Les incertitudes qui demeurent sur l'application de cette obligation sont préjudiciables au consommateur, à la distribution et aux industries agro-alimentaires

Que signifie-la " non-équivalence " à un aliment existant ?

L'article 8 du règlement répond qu'un aliment qui "diffère" d'un aliment classique n'est plus équivalent ! Cette phase est ambiguë.

Quel doit être le fait générateur de l'étiquetage :

La présence d'ADN recombiné dans l'aliment ?

L'expression protéique du transgène dans l'aliment ?

A partir de quel seuil, de quelle concentration devra-t-on étiqueter ? Faut-il instaurer une liste positive (ou négative) d'ingrédients dont la présence entraînera (ou n'entraînera pas) l'apposition d'une mention particulière ?

C’est ici que l’on mesure l’aberration du système : signalons que le règlement "nouveaux aliments" part du principe d'un étiquetage de l'aliment, sur la base de sa composition. Il exclut donc un étiquetage du procédé technologique intervenant dans la fabrication de l'aliment : par exemple, un sucre issu de betterave transgénique, rigoureusement identique à un sucre issu de betterave traditionnelle, ne sera pas étiqueté.

Quelle approche les industries agro-alimentaires doivent-elles retenir pour étiqueter ?

Deux approches sont possibles :

  • celle fondée sur l'origine des ingrédients utilisés (qui implique une traçabilité des matières incorporées),
  • celle de l'analyse au cas par cas des lots d'ingrédients utilisés (qui implique une détection systématique).

Le règlement européen retient l'approche d'une évaluation scientifique.

Est-elle toujours possible ? A quel coût ? Satisfait-elle le consommateur ?

Toutes ces questions doivent en outre être traitées, en tenant compte des méthodes de contrôle des mentions portées sur l'étiquetage, c'est-à-dire des méthodes de détection analytiques disponibles, de leur fiabilité et de leur coût.

Que doit-on étiqueter ?

En l'absence de séparation des approvisionnements (notamment américains, argentins et canadiens) selon leur nature (issu ou non du génie génétique), et en l'absence d'informations fiables sur la nature exacte de chaque lot, la mention "susceptible de contenir des OGM" ou "peut contenir" peut-elle être apposée ?

Faut-il mettre : "contient" dès que la preuve qu'il n'y en ait pas n'est pas faite, et dans ce cas, que penser de produits étiquetés " issus d'OGM " alors qu'ils auraient la même composition que des aliments traditionnels ?

Jusqu'à quel point de détail préciser la nature de la modification génétique apportée à l'aliment (farine dérivée de soja génétiquement modifié pour résister au glyfosate) ?

Comment signaliser la modification, de telle sorte qu'elle soit lisible pour le consommateur : faut-il ajouter "génétiquement modifié" ou "issu d'OGM" à l'ingrédient considéré, ou peut-on dire "modifié par les biotechnologies modernes ?" Faut-il créer un logo européen ?

Peut-on préciser sur les aliments conventionnels qu'ils ne contiennent pas d'OGM ? Et dans ce cas, doit-on se baser sur la composition réelle de l'aliment ou sur son mode de fabrication (absence de génie génétique dans la filière) ?

Le récent règlement du 26 mai 1998 1139/98 CEE essaie, face au problème de l’étiquetage, de répondre à quelques questions, laissant cependant l’obligation d’étiquetage impossible à réaliser. Ce règlement concerne les deux espèces autorisées en France, la fève de soja et le maïs. Les denrées qui ne contiennent pas de protéines ni d’ADN résultant d’une modification génétique, ne sont pas soumises aux exigences spécifiques d’étiquetage. Les associations de consommateurs ne sont alors pas convaincues de l’efficacité de cet étiquetage si la méthode de production n’est pas indiquée.

Ce règlement répond ensuite au problème pratique de l’étiquetage :

Dans la liste des ingrédients, le maïs ou le soja, s’ils contiennent une modification génétique doit faire apparaître la mention entre parenthèse " produit à partir du soja ou de maïs génétiquement modifié " ; cette mention peut apparaître au bas de listes des ingrédients relié par un " * " à l’ingrédient concerné.


Mention " *génétiquement modifié "
sur l’emballage du lait de soja Gaylord-Hauser

Si le produit ne contient pas de liste d’ingrédient, la mention " soja ou maïs génétiquement modifié " doit apparaître clairement.

Ce règlement est entré en vigueur en septembre 1998 et les industriels avaient 90 jours pour mettre en application ce texte, ceci dit, le texte reste inapplicable tant que la liste des produits à étiqueter n’est pas établie, que des méthodes d’analyse et de détection ne sont pas validées et que le seuil de détection n’est pas précisé.

2. L’autorisation de mise en culture.

L’extraordinaire ballet d’indécision et de revirement politique auquel a donné lieu l’arrivée en France de plantes transgéniques, se double d’un véritable imbroglio juridique. Alors même que les résistances de bactéries pathogènes chez l’homme ne cessent de se développer, le maïs comportant un gène de résistance a l’ampicilline bafoue le principe de précaution selon les associations écologistes. Après avoir fait l’objet d’une valse hésitation, le maïs a été autorisé en février 1998 par le gouvernement français. Le 30 juillet 1998, la France autorise la mise sur le marché de trois nouvelles espèces de plantes transgéniques et coup de théâtre deux mois plus tard : le conseil d’Etat, saisi par Greenpeace France et plusieurs autres associations écologistes, décidait le 25 septembre de suspendre provisoirement l’exécution de l’arrêté du 5 février autorisant l’inscription au catalogue officiel des 3 variétés de maïs transgéniques de la société Novartis.

Le 11 décembre, le conseil d’Etat a tranché en décidant de ne pas décider ! Il renvoi le problème devant la cour européenne de justice. Elle est chargée de lui indiquer l’étendue de ses propres compétences en la matière. Cette suspension restera en vigueur jusqu’à ce que la cour du Luxembourg tranche : dans un an au plus tôt, trois au plus tard. En attendant, les 12 tonnes de maïs de la récolte de septembre 1998 restent dans les silos, jusqu’à ce qu'une décision soit prise.

La longueur et la complexité des décisions juridiques risque de créer une confusion dans l’esprit du consommateur, voire de générer des peurs telles que celles entourant la vache folle. Il est dommage que les Etats ne s’organisent pas pour rendre compréhensible les décisions qui concernent la vie quotidienne de chacun, et pour éviter les renvois incessants entre juridictions nationales et européennes.




Tous droits réservés Carole CANTET, Catherine CHOSSAT, Boris COIMET, Laure ROBERT et Vincent TANDART, 1999
Dernière mise à jour le 06 mars 1999 19:34:43